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CHAPITRE Ier. — PÉRIODE DE L’EMPIRE

que et Thémistios ; des historiens rhéteurs et beaux-esprits, tels qu’Eunape. Julien lui-même, quoique empereur, est un homme d’école. En fait, tout ce qu’ils produisent est peu de chose, et la vraie littérature grecque, au ive siècle, est la littérature chrétienne.

Certes, celle-ci est alors profondément pénétrée d’hellénisme. L’érudition historique d’un Eusèbe, l’éloquence d’Athanase, de Basile, de Grégoire de Nazianze, de Chrysostome, leur dialectique même, et une partie de leur théologie, tout cela vient de la tradition grecque. Et ce qui semblait mort entre les mains des Grecs païens, qui n’avaient plus rien à dire, redevient vivant chez ces hommes qui sont en communion intime avec les multitudes. Il semble donc que l’hellénisme, définitivement épuisé dans sa veine primitive, se renouvelle alors sous forme chrétienne. On voit renaître les genres anciens, mais christianisés, l’éloquence surtout, tantôt militante, tantôt familière et didactique, la philosophie, l’histoire, la littérature épistolaire. À ces genres, le christianisme fournit la plupart des idées et des sentiments ; quant à l’hellénisme, s’il leur donne, lui aussi, des idées, il leur apporte surtout son art et ses méthodes. Au premier abord, l’alliance ainsi contractée semble féconde. Et pourtant les résultats qu’elle donne sont incomplets et de peu de durée. En y réfléchissant mieux, on en comprend la raison. C’est que cette alliance a été plus accidentelle que nécessaire, ou, pour mieux dire, c’est qu’elle était peu conforme à la nature des choses.

Le christianisme avait grandi en dehors de l’hellénisme, ou plutôt en opposition avec lui ; et, aussi, en dehors de toute préoccupation d’art et de beauté sensible. Jusqu’à la fin du iiie siècle, le goût de la forme littéraire lui est totalement étranger. Ses apologistes, ses docteurs, ses premiers historiens se servent de la langue avec indifférence, sans se soucier le moins du monde de