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CHAPITRE Ier. — PÉRIODE DE L’EMPIRE

habitudes d’esprit de l’orateur étaient entièrement différentes de celles de son public. Cela n’eut donc ni effet ni durée. Et la philosophie, se repliant sur elle-même, se mit à faire du syncrétisme savant, de la morale très haute, mais qui demandait trop à l’effort personnel de l’individu. Elle essaya de renouveler l’idée de Dieu, de la rendre plus pure et plus vivante. Elle y travailla pendant tout le second siècle ; elle put croire, au troisième, qu’elle y avait réussi. Le néoplatonisme, enfanté par la grande âme de Plotin et consolidé par la science de Porphyre, fut une œuvre admirable en son genre, puisqu’il réussit à condenser dans une doctrine systématique, aussi rationnelle qu’elle pouvait l’être alors, tout ce qui restait encore de force vive dans l’hellénisme. Mais ce fut une œuvre de savants, d’ascètes, de solitaires, qui ne pénétra jamais profondément dans le peuple, parce qu’elle supposait une culture dont il était dépourvu.

Ce qui toucha la multitude, le voici. Dès le milieu du second siècle, le christianisme, sortant de son obscurité primitive, avait fait son apparition dans le monde grec ; il s’y était révélé, presque aussitôt, comme doué d’une force d’expansion merveilleuse. C’est que le christianisme répondait justement aux besoins profonds de ces masses que la haute culture hellénique n’atteignait pas. Celles-ci hésitaient au milieu de croyances confuses, changeantes, les unes vieillies et qu’on sentait affaiblies par les interprétations des esprits cultivés, les autres trop locales, sans autorité morale, sans dogmes précis. Le christianisme, au contraire, était à la fois jeune et ancien : jeune par ses apôtres, par son évangile ; ancien par la tradition biblique à laquelle il se rattachait. Il était simple, concret, parlant au cœur et à l’imagination. Il apportait des récits touchants et merveilleux, des miracles, des prophéties qu’il montrait réalisées, et, avec