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INTRODUCTION

immédiates, dans l’ordre littéraire surtout, n’en furent pas aussi sensibles qu’on pourrait le croire. La vie des cités grecques, sous la domination romaine, ne fut pas très différente de ce qu’elle était depuis deux siècles : la grande politique était morte depuis longtemps ; la vie municipale continua, presque pareille à elle-même, un peu moins agitée seulement, et les esprits les plus actifs continuèrent de se tourner vers les travaux intellectuels. Or, dans ceux-ci, l’influence de Rome ne pouvait guère s’exercer d’abord très fortement : Rome était ignorante ; les Grecs étaient des maîtres pour elle, et des maîtres très fiers de leurs traditions. Il fallait le génie politique d’un Polybe pour renouveler l’histoire en découvrant, du premier coup d’œil, l’intérêt extraordinaire de cette « barbarie » occidentale qui entrait en scène. D’ailleurs, en dehors de la Grèce propre, l’Orient grec restait indépendant, pour quelques années encore : à Pergame, à Alexandrie, rien n’était changé provisoirement. Rome, évidemment, grandissait de jour en jour, et les regards se tournaient plus souvent vers elle ; on venait davantage dans la « Ville », on y résidait même, on y enseignait, on y faisait des affaires, mais on y restait étranger ; la différence des races était trop forte. Quelques-uns ouvraient les yeux sur le monde romain ; très peu subissaient l’action de l’esprit romain. C’est peu à peu seulement, par une infiltration lente et irrégulière, que certaines idées romaines, certaines manières de sentir, certaines formes de goût se glissent çà et là dans les esprits grecs et annoncent, sur quelques points isolés du domaine littéraire, une transformation partielle. Cette transformation ne fut jamais bien profonde : le génie grec a trop de vitalité pour se laisser absorber ; et il est trop personnel pour sortir aisément de lui-même. Il était impossible pourtant qu’il restât tout à fait réfractaire. Ce sont ces premiers et très légers symp-