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CHAPITRE Ier. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX

et l’installation définitive de la bibliothèque. Celle-ci, au moment de la mort de Soter, comptait déjà, dit-on, deux cent mille volumes. Mais Philadelphe la doubla, et construisit pour la loger un édifice approprie, qui faisait partie, semble-t-il, des bâtiments du Musée. Une seconde bibliothèque, logée au Serapeum, contenait encore environ cinquante mille volumes, probablement des doubles de la grande bibliothèque. Évergète, après Philadelphe, continua d’enrichir la collection avec une ardeur passionnée qui ne reculait devant aucune dépense : on raconte qu’ayant emprunte aux Athéniens, moyennant une caution de soixante-quinze mille francs, l’exemplaire officiel des tragiques, copié autrefois sous l’orateur Lycurgue, il abandonna sa caution et garda l’exemplaire[1]. Bref, la bibliothèque finit par comprendre environ sept cent mille volumes ; c’est le chiffre qu’elle avait atteint lorsqu’elle fut brûlée en 47, après l’entrée de César à Alexandrie[2]. Déjà des particuliers, avant les Lagides, avaient formé des collections de livres. La plus importante avait été, dit-on, celle d’Aristote, qui du reste fut achetée en bloc par Philadelphe[3]. Aucune n’était comparable à celle d’Alexandrie. Toute la littérature grecque était là, depuis Homère jusqu’aux plus récents philosophes. Un bibliothécaire en chef, assisté sans doute de collaborateurs nombreux, surveillait ce trésor. Il ne se bornait pas à le surveiller ; il s’appliquait à le rendre plus accessible et plus utile, à l’accroître aussi, par des tables, des catalogues, des commentaires, des éditions nouvelles, des études lexicologiques et grammaticales de toutes sortes. Chaque bibliothécaire était nommé à vie. Tous furent des savants illustres. Le premier en date est Zénodote ; viennent ensuite Cal-

  1. Galien, In Hippocr. Epidem., III, 2.
  2. Aulu-Gelle, Nuits Attiques, VI, 17.
  3. Strabon, XIII, p. 608 ; Athénée, I, p. 3, B.