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ALEXANDRIE

quête d’Alexandre, qui disputent à Athènes la primauté dans les choses de l’esprit[1].

Entre le canal de Pharos et le lac Maréotis, sur une longue bande de terre, végétait une obscure ville égyptienne. Alexandre comprit l’avantage unique de cet emplacement et y fonda Alexandrie. Cinquante ans plus tard, sous les premiers Ptolémées, la jeune cité comptait plus de trois cent mille habitants ; c’était la plus grande ville du monde. Cette prodigieuse croissance, qui ressemble à celle de certaines villes américaines d’aujourd’hui, avait son origine dans le commerce. Alexandrie se trouvait au point de contact des différentes civilisations de l’antiquité : l’Égypte, l’Orient, la Grèce, la Méditerranée occidentale se donnaient rendez-vous dans son immense port. Toutes les marchandises du monde s’y entassaient, amenées par des hommes de toute race, de toute religion, de toute culture. Les échanges y créaient d’immenses fortunes. À côté de la vieille ville, Rhacotis, où survivait l’ancienne Égypte des Pharaons, la ville nouvelle, Néapolis, développa l’imposante magnificence de ses larges rues droites ou s’élevaient des édifices grecs. Les Ptolémées étaient intelligents et ambitieux. Quand ils virent leur capitale devenir la plus riche cité du monde, ils voulurent qu’elle en fut aussi la plus savante et la plus lettrée. Déjà Ptolémée Soter avait commencé à y réunir des livres : il avait chargé de cette tâche, dit-on, Démétrius de Phalère, chassé d’Athènes par le Poliorcète. Mais c’est surtout Ptolémée Philadelphe, fils et successeur de Soter, qui fut le véritable créateur de la suprématie littéraire d’Alexandrie, si c’est à lui qu’on doit attribuer, comme il est probable, la fondation du Musée

  1. Sur Alexandrie, cf. Strabon, XIII, p. 791. V. aussi Couat, Poésie Alexandrine, chap. I, où l’on trouvera d’abondants détails sur ce qui ne peut être ici qu’effleuré, et l’article Alexandrie dans l’Encyclopédie de Pauly.