Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
CHAPITRE Ier· — CARACTÈRES GÉNÉRAUX

leur place[1]. Mais ce n’est pas de ces changements-là que nous voulons surtout parler : car la signification littéraire en est très faible, et d’ailleurs obscure. Il semble pourtant que cette évolution s’est opérée dans le sens d’un affaiblissement des caractères propres du dialecte attique et d’un rapprochement avec les autres dialectes, ce qui n’est pas sans intérêt. On voit ainsi, en effet, par la forme même des mots, le dialecte attique s’accommoder à son rôle futur de « langue commune » de toute la Grèce pensante et écrivante. Mais ce n’est là, encore une fois, qu’une évolution assez superficielle et secondaire.

Ce qui est plus important, c’est le changement assez sensible du vocabulaire, de la phrase, des habitudes de style. L’ancien attique était une langue qui rendait presque facile de bien écrire en prose, comme le français du xviie siècle ; une langue par elle-même savoureuse et saine. Le vocabulaire en était très simple, très concret, très homogène, nullement chargé d’abstractions ni de termes techniques. Il était à l’image de la vie d’alors, où l’on voyait un même homme, grâce à la simplicité de toutes choses, être tour à tour général, amiral, homme d’état, orateur, et exceller en tout. La langue populaire se prêtait aussi à tout dire, et à le bien dire, prenant partout des métaphores expressives, sans pédantisme et sans effort laborieux. Le vocabulaire de Xénophon est, comme aurait dit Montaigne, « tel au papier qu’à la bouche. » Platon bâtit un système sans avoir besoin de plus d’un mot technique (ἰδέα.) Démosthène et Eschine écrivent la langue de tout le monde. Et ce vocabulaire savoureux

  1. Par exemple, le nom. pl. βασιλῆς devient βασιλεῖς ; l’acc. βασιλέας, βασιλεῖς ; le génitif Πειραιῶς, Πειραιέως ; le génitif-datif δυοῖν, δυεῖν. Ὅπως, au sens final, se construit avec le subjonctif, sans ἄν. Et ainsi de suite. Cf. Meisterhans, Grammatik der Attischen Inschriften (Berlin, 1885), p.  56, 70, 109, etc.