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ARATOS

En face de ces délicats, Apollonios de Rhodes est, à certains égards, un réfractaire, puisqu’il osa, en dépit d’eux, revenir à l’épopée : ce n’est pourtant là qu’une demi-révolte, car il reste encore leur contemporain et leur disciple plus qu’il ne le croit peut-être[1].

Apollonios, dit « de Rhodes », était né réellement à Alexandrie[2] : Rhodes devint seulement sa seconde patrie, quand sa querelle avec Callimaque l’eut forcé de quitter l’Égypte. La date de sa naissance ne peut être fixée avec précision : on la détermine d’après la date de la querelle ; mais comme celle-ci à son tour dépend de la date qu’on attribue à l’Hymne à Apollon, et que cet Hymne, enfin, est tantôt avancé, tantôt reculé d’une quinzaine d’années, il en résulte que la naissance d’Apollonios, probablement comprise entre 280 et 260, ne saurait être placée avec certitude dans une année plutôt que dans une autre[3]. Ce qui est certain, c’est qu’il fut l’élève de Callimaque, qu’il composa tout jeune ses Argonautiques, en opposition complète avec les leçons et les exemples de son maître, qu’il accentua sa révolte par des récitations publiques de son œuvre, qu’il chercha des applaudissements et recueillit des sifflets, qu’une lutte ardente s’engagea entre les deux adversaires, et que, malgré un petit groupe peut-être de chauds partisans, composé des ennemis de Callimaque, il dut fuir

  1. On cite encore le nom d’un poète épique qui paraît avoir été son prédécesseur, Antagoras de Rhodes, auteur d’une Thébaïde. Cf. Laërce, IV, 26 et suiv., et la IIIe Vie d’Aratos. Mais cet Antagoras n’obtint jamais qu’une réputation de second ordre. Sur les autres noms oubliés de cette période, cf. SusemihlI, p. 380.
  2. Strabon, XIV, p. 655. À Alexandrie, ou à Naucratis, suivant Athénée, VII, p. 283, D}}. — Notice de Suidas ; biographies anonymes en tête des œuvres. — Cf. Couat, p. 294-326 ; SusemihlI, p. 383-393. V. aussi Hémardinquer, De Apollonii Rh. Argonauticis, Paris, 1872 ; et De la Ville de Mirmont, Les dieux dans Apollonios, Paris, 1889.
  3. Je m’en tiens ici à une opinion moyenne et vraisemblable. D’autres savants vont plus haut ou plus bas.