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CHAPITRE Ier. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX

moins lourd, Athènes n’eut plus guère que des libertés municipales, et toute vie politique vraiment active lui fut fermée. Même la vie des affaires alla s’affaiblissant. Le Pirée recevait toujours des navires, mais il n’était plus le principal entrepôt du commerce dans le monde grec. Les flottes et les caravanes prenaient la route d’Alexandrie. De plus en plus, Athènes glissait vers ce demi silence des vieilles capitales déchues, où le passé tient plus de place que le présent et où le goût des belles curiosités survit au désir de l’action. Elle avait encore très grand air et le souvenir de sa gloire passée lui faisait une auréole. La finesse de l’esprit et la délicatesse du goût, naturelles sur le sol de l’Attique, s’y étaient encore affermies par l’hérédité d’une longue culture. On venait toujours à Athènes comme à la patrie de l’atticisme. Mais ce mélange d’activité pratique et de spéculation, qui avait donné à l’ancien atticisme son caractère unique de pondération et d’harmonie, avait disparu, et la noble cité des Périclès et des Thucydide tendait à devenir une ville-musée, ou encore une ville de disputeurs oisifs et de beaux-esprits.

Dans cette atmosphère, beaucoup de genres littéraires qui avaient fleuri au ve et au ive siècle vont s’étioler. Ne parlons pas de l’épopée, qui est morte depuis longtemps, ni du lyrisme, qui est devenu déjà depuis un siècle un article de production courante et banale plutôt qu’une forme d’art vraiment vivante ; ni enfin de la tragédie, qui n’a plus, au ive siècle même, qu’une existence assez factice. Mais l’éloquence qui, sous ses trois formes historiques, a rempli du bruit de ses périodes, pendant plus d’un siècle, la place publique, les tribunaux, les réunions, que va-t-elle devenir ? Elle subit une complète éclipse. Les discours délibératifs, d’abord, ont disparu avec l’activité politique. Les tribunaux, il est vrai, continuent d’entendre des plaidoyers, mais la vie