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PHILÉTAS

exemple, l’amour du héros pour Polymélé, fille du roi Éolos[1] ? Quelques-uns de ses vers nous laissent entrevoir une sensibilité discrète et délicate : lui-même, ou l’un de ses personnages, demandait, à son amante, sans doute, quand il ne serait plus, « de le pleurer du fond du cœur avec mesure, de lui adresser quelques douces paroles et de garder un souvenir à l’ami disparu[2]. » Cela est vraiment exquis. Un autre personnage disait avec une douce et sage philosophie :


Je ne te pleure pas, ô le plus cher de mes hôtes : tu as connu les joies de la vie en grand nombre, bien que les dieux t’aient donné aussi ta part des maux[3].


Le poète qui a trouvé ces choses a pu mériter d’être célébré par Théocrite comme un maître, et d’être invoqué par Properce comme un des demi-dieux de la poésie élégiaque[4]. Mais ce ne sont là que des lueurs vite évanouies. Le seul fait qui nous apparaisse encore avec clarté, c’est l’importance de son rôle, attesté par ces témoignages et par la réunion même de quelques poètes distingués ou illustres autour de sa personne. Et ce rôle considérable de Philétas, on se l’explique sans peine par la nature de son talent : il est vraiment le premier des alexandrins. C’est un grammairien et un savant en même temps qu’un poète ; il est curieux des vieilles fables : il donne des modèles définitifs de l’élégie amoureuse et mythologique, de l’épigramme finement ciselée, probablement aussi de l’épopée à demi-familière et romanesque[5]. La Lydé, d’Antimaque de

  1. Parthénios, Περὶ ἐρωτικῶν παθημάτων, c. 2.
  2. Ἐκ θυμοῦ κλαῦσαί με τὰ μέτρια, καὶ τι προσηνὲς — εἰπεῖν, μεμνῆσθαί τ’ οὐκ ἔτ’ ἐόντος ὅμως.. (Anthol. Jacobs, t. I, p. 122).
  3. Ibid.
  4. Properce, I, 4 : Callimachi manes et Coi sacra Philetae.
  5. Cf. Rohde, Der griech. Roman, p. 73.