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ZÉNODOTE

delphe, devenu roi à son tour (vers 285), chargea son maître Zénodote de diriger la grande bibliothèque dont Ptolémée Soter avait commencé sans doute la formation, mais qui fut surtout l’œuvre de Philadelphe. Zénodote s’entoura de collaborateurs dont quelques-uns sont inconnus, par exemple les poètes Alexandrie d’Étolie et Lycophron. Ceux-ci eurent dans leur « département » les poètes tragiques et les poètes comiques ; Zénodote se réserva les poètes épiques et lyriques[1]. Il s’occupa, dit-on, de les classer ; ajoutons qu’il dut sans doute en acheter beaucoup et faire le catalogue de ses collections. — Comme philologue, il est d’abord l’auteur d’une sorte de lexique des « mots rares » ou γλῶσσαι qu’on trouvait dans Homère[2] : c’était un travail qui devait ressembler à ceux de son maître Philétas. Sa véritable originalité n’est pas là : elle est dans sa célèbre édition de l’Iliade et de l’Odyssée. Zénodote est le premier en date des diorthotes alexandrins[3], c’est-à-dire des éditeurs savants et critiques, qui, au lieu de reproduire servilement le premier texte venu de leur auteur, se sont donné pour tâche d’en comparer les versions différentes et d’en faire sortir un texte aussi pur que possible. Par là, Zénodote est l’ancêtre vénérable de tous les éditeurs modernes. Dans sa récension des poèmes homériques, il avait signalé les interpolations et corrigé les fautes. Par malheur, il s’était attaqué, pour son coup d’essai, au texte dont la critique était de beaucoup la plus difficile, à cause de l’antiquité de la langue et du caractère particulièrement flottant de la tradition. Ses successeurs, et surtout Aristarque, l’ont très souvent combattu. Il était impossible en effet qu’il n’eût pas commis de nombreuses erreurs. Autant

  1. Tzetzès, Proleg. in Aristoph., cité par Ritschl, Opusc., I, p. 124.
  2. Schol. Odyss., III, 444.
  3. Διορθῶται.