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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

cipal de ce qui s’est appelé plus, tard « l’éloquence asiatique »[1]. Il a servi de modèle à de nombreuses générations d’orateurs ou de rhéteurs. Son goût, ou son manque de goût, a fait école. Des historiens même ont essayé d’écrire comme lui. Et, à cause de cela, il est nécessaire de se demander comment il écrivait.

Les critiques anciens nous le représentent comme un écrivain prétentieux, un bel-esprit vide d’idées et de sentiments, riche de mots affectés, de métaphores bizarres, de tours recherchés, de jeux de mots et de pointes, de rythmes sautillants et incongrus[2]. C’était une sorte de Trissotin. Quelques citations textuelles nous permettent d’en juger. La plus longue est donnée par Denys : c’est une page de l’Histoire d’Alexandre où est raconté un épisode du siège de Gaza. Il est difficile, après l’avoir lue, de ne pas souscrire au jugement de Denys, qui déclare que ce récit a l’air d’être fait par quelque plaisantin efféminé[3]. Un autre passage cité par Strabon[4], semble tiré d’un discours ; ce sont quelques lignes sur l’Acropole d’Athènes ; rien n’est plus guindé, plus déclamatoire et plus froid[5].

Cette rhétorique naquit dans les cités grecques d’Asie-Mineure, qui n’avaient ni les traditions de l’Atticisme, ni, à cette date, aucun sérieux : on y vivait mollement,

  1. Il s’agit ici de la première forme de l’éloquence asiatique. Sur la deuxième forme, cf. plus bas, ch. VI.
  2. Voir surtout Cicéron, Brutus, 67 et 69 ; Denys d’Halic., Arrang. des mots, c. 18 ; Théon. Progymnasm., t. I, p. 169 des Rhetores graeci de Walz (t. II, p. 71, Spengel) ; Pseudo-Longin, Sublime, 3, 2 ; Quintilien, XII, 10, 16-17.
  3. Ὑπὸ γυναιϰῶν ἢ ϰατεαγότων ἀνθρώπων… ϰαὶ οὐδὲν τούτων μετὰ σπουδῆς, ἀλλ’ ἐπὶ χλευασμῷ ϰαὶ ϰαταγέλωτι..
  4. Strabon, IX, p. 396.
  5. Voir encore dans C. Müller, fragm. 2 (p. 139-441), les passages cités par Agatharchides. La ruine de Thèbes, par exemple, lui inspirait des jeux de mots dont voici un échantillon : Δεινὸν τὴν χώραν ἄσπορον εἶναι τὴν τοὺς Σπαρτοὺς τεϰοῦσαν.