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MUSÉE


ment à l’école de Nonnos[1]. Nous avons sous son nom un poème en 340 hexamètres, justement renommé, qui tient à la fois de l’épopée alexandrine et du roman d’amour[2]. C’est l’Histoire d’Héro et de Léandre (Τὰ ϰαθ' Ἡρὼ ϰαὶ Λέανδρον (Ta kath’ Hêrô kai Leandron)). Il y raconte comment le jeune Léandre d’Abydos, venu à Sestos pour une fête, y aima la belle Héro, prêtresse d’Artémis ; comment, aimé d’elle à son tour, il venait la trouver la nuit en franchissant à la nage l’Hellespont, lorsqu’elle allumait un signal de feu sur la tour qu’elle habitait ; comment, une nuit, le signal ayant été éteint par le vent, Léandre, ballotté au hasard par les flots, se noya ; et comment enfin Héro, voyant le cadavre rejeté sur le rivage, se donna la mort en se précipitant du haut de sa tour. L’aventure en elle-même est touchante, et le poète a su, malgré quelque affectation, la raconter avec une grâce émue. Il exprime, aussi simplement qu’on le pouvait alors, des sentiments naïfs et sincères, qu’il a le bon goût de ne pas délayer. Ses personnages ont un naturel délicat et nous attachent. C’est, de toutes les œuvres de la poésie grecque finissante, celle qui a le plus de charme. Elle n’a cessé d’être lue et goûtée jusqu’à notre temps, et elle le mérite[3].

  1. Schwabs, De Musæo Nonni imitatore, Tubingue, 1876. Agathias (Anthol., V, 263) semble faire allusion à son poème ; de même dans son Histoire, V, II. Musée ne peut donc être postérieur au vie siècle, puisque Agathias est mort vers 580.
  2. Éd. princ., Alde, Venise, 1494. Éd. de Passow, Leipzig, 1810, reproduite et améliorée par K. Lehrs dans l’Hésiode, Didot. Paris, 1839. Éd. critique de Dilthey, Bonn, 1874. — Notes critiques de A. Koechly, De Musæi grammatici codice Palatino, Heidelberg, 1865 ; de A. Ludwich, Jahrb. f. class. Phil., 1873, 1874, 1876, 1878 ; de Al. Rzach, Zeitsch. f. d. oesterr. Gymn., 1878.
  3. G. Knaack, Hero und Leander (dans le recueil intitulé Festgabe für Franz Susemihl), Leipzig, Teubner, 1898. Selon Knaack, Musée n’aurait fait qu’imiter Callimaque. En tout cas, c’est être original que d’imiter avec goût.