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histoire, la place que tenaient dans les esprits de ses contemporains les peintures et les légendes de l’épopée. Les biographes de Thucydide racontent aussi que, tout jeune encore, il entendit Hérodote lire des fragments de ses Histoires, et que, comme il avait versé à cette lecture des larmes d’admiration, Hérodote félicita son père d’avoir un fils si généreusement épris des nobles études[1]. Cette anecdote peut contenir un fond de vérité[2].

D’autres traditions racontent qu’il fut disciple du philosophe Anaxagore et du rhéteur Antiphon[3]. Il serait imprudent d’accepter ces traditions comme des témoignages tout à fait positifs, surtout en ce qui concerne Anaxagore ; car, pour Antiphon, la manière dont Thucydide parle de lui dans son Histoire indique au moins des relations personnelles assez étroites[4]. Mais, vraies ou fausses, ces indications ont au moins le mérite de bien mettre en lumière les véritables affinités intellectuelles de Thucydide. S’il n’a pas été l’élève de ces hommes, il a subi leur influence. Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que l’école où se forme son intelligence fut l’Athènes d’Anaxagore, d’Antiphon, de Périclès, cette Athènes qu’il a lui-même appelée l’école de la Grèce[5], et qui donnait alors un si merveilleux spectacle. Pour le bien comprendre, il faut sans cesse le rapprocher de ses contemporains. Philosophie, politique, drame, rhétorique, toutes les créations nouvelles de l’atticisme ont agi sur son intelligence de la manière la plus

  1. Marcellin, 54 : Ὦ Ὄλογε, ὀργᾷ φύσις τοῦ υἱοῦ σου πρὸς μαθήματα. Cf. Suidas, Θουκυδίδης, et Photius, Biblioth., 50.
  2. Sur les lectures qu’Hérodote fit, dit-on, de son livre, voir plus haut, t. II, p. 566-567.
  3. Marcellin, 22. Sur ses rapports avec Antiphon, cf. en outre, dans les Vies des Dix Orateurs, la vie d’Antiphon, 7, où l’on voit que cette opinion avait été exprimée par Cécilius de Calacté. Hermogène (t. III, p. 386, Walz) cite à l’appui de cette tradition le Ménéxène de Platon (p. 236, A) ; mais le passage n’est pas très net.
  4. Thucydide, VIII, 68.
  5. Τῆς Ἑλλάδος παίδευσιν (II, 2, 41, 1).