Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La grande prose grecque naît à Athènes entre les années 439 et 410. La perfection des écrits en prose, en effet, n’appartient qu’à la maturité des littératures. La poésie est le langage de l’imagination ; elle chante. La prose, au contraire, parle, c’est-à-dire qu’elle use des mots avec prudence et réflexion en vue d’un objet plus pratique ; elle cherche la clarté, qui instruit, plus que la beauté, qui émeut ; elle met en pleine lumière la liaison des idées ; elle s’achemine d’un pas régulier vers un but marqué d’avance ; elle gouverne ses phrases et ses périodes avec une parfaite conscience de la démonstration où elle tend, de la conclusions qu’elle prépare. Elle est le langage de la raison analytique. Cette ferme raison suppose un esprit déjà viril. Or l’atticisme est la virilité de l’hellénisme.

Ces qualités apparaissent à Athènes de bonne heure, car on peut les signaler déjà chez Solon. Nous avons dit ailleurs[1] comment Athènes, située pour ainsi dire à mi-chemin de l’ionisme et du dorisme, héritière en outre, dès le VIe siècle, d’une tradition déjà longue, avait eu le privilège de naître à la littérature armée tout d’abord de la raison. Mais c’est surtout au milieu du Ve siècle que ces germes se développent chez elle. Victorieuse des Perses, maîtresse d’un grand empire maritime, elle est la première puissance de la Grèce et devient, du même coup, la capitale intellectuelle d’une race désormais adulte. L’atticisme, à cette date, n’est autre chose que l’esprit grec lui-même dans sa maturité la plus vigoureuse et son équilibre le plus harmonieux. Le drame en est la première création. La prose va suivre presque aussitôt. Pendant un siècle environ, les chefs-d’œuvres en prose vont se multiplier, jusqu’à la mort d’Alexandre, qui marque la fin de la prose attique et

  1. Voir t.II, p.117, et t.III, ch. I.