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§3


Antiphon, fils de Sophilos, du dème de Rhamnonte, naquit un peu après Gorgias[1] (vers 480). Sa vie, consacrée sans doute tout entière à son art, n’a laissé presque aucun souvenir ; car les détails donnés par les biographes se rapportent manifestement à des homonymes. Sa fin, au contraire, grâce à Thucydide, est bien connue[2] : ayant pris une part importante à la conjuration des Quatre-Cents, il fut enveloppé dans leur ruine. Il avait tout préparé de longue main, dit Thucydide, et tout conduit, bien que le rôle de Pisandre eût été plus apparent. Après le rétablissement de la démocratie, il fut accusé de trahison et condamné à mort (411)[3].

À propos de ces faits, Thucydide a tracé d’Antiphon un portrait célèbre et qui tranche, par la vivacité de l’admiration, sur la réserve ordinaire de l’historien. « Antiphon, dit-il, n’était inférieur à aucun Athénien de son temps pour la vertu, et il était le premier pour le talent de concevoir et pour celui d’exprimer ses pensées ; il ne parlait pas dans l’assemblée ni, à moins d’y être contraint, devant les tribunaux, parce que sa réputation d’éloquence mettrait la foule en défiance à son égard ; mais ceux qui avaient des luttes à soutenir, soit devant le peuple, soit devant les juges, trouvaient en lui le conseiller le plus capable de leur être utile…

  1. Pseudo-Plutarque, Vies des dix orateurs, Antiphon, 9. Sophilos, suivant le biographe, était lui-même sophiste et fut le premier maître de son fils (ibid., 1) ; mais, si l’indication a quelque valeur, il faut du moins entendre ici le mot sophiste dans le sens où on le prend quand il s’agit d’un Mnésiphile, par exemple, le maître de Thémistocle. — Sur Antiphon, cf. Blass., t. I, p. 79-195, et G. Perrot, Éloq. polit. et judic., p. 96-153.
  2. Thucydide, VIII, 68.
  3. Voir dans le Pseudo-Plutarque, le texte du décret d’arrestation et celui du jugement.