Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préférait expliquer Homère, où il cherchait sans doute des leçons morales[1]. Il avait en outre composé un livre Sur les Mystères, dont nous ne savons à peu près rien, et un autre ouvrage, souvent cité par Plutarque, Sur Thémistocle, Thucydide et Périclès[2], qui paraît avoir été assez curieux. Stésimbrote y défendait les anciennes mœurs, représentées par Cimon, contre le bavardage et la subtilité contemporaines, personnifiées surtout part Périclès. Il louait Thucydide, successeur de Cimon, et blâmait Thémistocle, prédécesseur de Périclès. Il est assez intéressant de voir un sophiste conservateur, ennemi de la rhétorique et allié d’Aristophane[3].

Si nous jetons maintenant un regard en arrière sur le chemin parcouru jusqu’ici, nous voyons que l’enseignement des premiers sophistes et des premiers rhéteurs est arrivé aux résultats suivants : les divisions essentielles du discours sont connues ; la dialectique oratoire, fondée sur la vraisemblance, est esquissée dans ses traits principaux ; la précisions du style, la noblesse, le rythme, la structure de la phrase ont été l’objet de recherches parfois heureuses. Il reste pourtant beaucoup à faire sur tous ces points. De plus, aucun de ces premiers maîtres n’a laissé un chef-d’œuvre incontesté. Leurs discours ne valent pas leurs théories ni surtout leurs intentions ; ils manquent de sérieux. Mais le temps des premières œuvres durables est arrivé. L’honneur d’ouvrir, dans le canon alexandrin, la liste des dix orateurs classiques était réservé à un Athénien de la vieille roche, à la fois rhéteur et orateur, contemporain des Protagoras et des Gorgias, un peu plus jeune cependant, Antiphon de Rhamnonte, le maître et le prédécesseur immédiat de Thucydide.

  1. Id. ibid., Platon, Ion., p. 550, D.
  2. Cf. Athénée, XIII, 589, D.
  3. Fragments de Stésimbrote de Thasos dans la Bibl. Didot, Fragm. histor. (C. Müller, t. II, p. 52-58).