saine, et quand il trouvait un jeune homme qui, sans avoir l’esprit scientifique, était curieux de philosophie morale, c’est à Prodicos qu’il l’envoyait de préférence[1].
Mais c’est surtout par ses études sur la langue que Prodicos nous intéresse. Dans son enseignement oral et dans ses discours écrits, il donnait une extrême attention à la « justesse des mots » (ὀρθότης ὀνομάτων), c’est-à-dire à la distinction des synonyme et à l’analyse de l’acception précise de chaque terme. Il est sans cesse question de ces recherches dans Platon, qui s’en amuse fort. L’idée que Platon nous donne de Prodicos est celle d’un pédant qui s’enferme dans ses distinctions de mots et n’en sort plus[2]. Dans le Protagoras, surtout, il en trace un portrait des plus amusants[3]. Il le fait parler : « Bien dit, ô Critias. Dans ce genre de discours, en effet, les auditeurs doivent témoigner non de l’indifférence, mais de l’impartialité. Et ce n’est pas la même chose… Pour moi, Protagoras et Socrate, je vous engage à faire des concessions : discutez sans disputer. Ce n’est pas la même chose en effet…, etc. » On voit le jeu de scène et le ridicule qui s’étale. Faisons la part de la verve comique : la vérité du portrait reste grande. Pour s’en convaincre, il suffit de noter, chez le grave Thucydide ou chez l’élégant Isocrate, telle phrase qui est, sinon une imitation directe, tout au moins un ressouvenir frappant de la manière de Prodicos[4]. Ce qu’il y a d’affecté dans ce style se voit assez. Mais tout, dans cet effort pour être précis, n’était pas mauvais, tant s’en faut. La justesse des termes est la première qualité d’une prose vraiment classique, et Prodicos ne fut sans contribuer pour quelque chose à rendre cette qualité plus forte chez les premiers écrivains attiques.