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aux exemples concrets, aux lieux communs qu’il fait apprendre à ses disciples[1].

Mais voici de grandes différences. Il est orateur, plus encore que dialecticien[2] ; et, par ce mot d’orateur, il entend un homme qui vise non seulement à bien discuter, mais encore à bien parler, avec éclat, avec pompe, dans un beau style ; il vise à la beauté autant qu’à l’utilité du discours ; il est artiste, sinon toujours homme de goût, et très préoccupé d’enchanter l’oreille. Il compose au besoin des discours politiques, mais il évite le genre judiciaire et se complaît avant tout dans l’éloquence épidictique, dans les discours d’apparat qui lui permettent d’étaler tout le luxe de son style[3]. Sur le style, en effet, il a beaucoup réfléchi, beaucoup innové. Il a parfois dépassé le but, mais il l’a vu. Son influence a été grande, et, malgré les réactions nécessaires, une partie de son œuvres est restée debout.

Ionien de naissance (car Léontium est une colonie de Naxos), il écrit dans le dialecte attique ; non pas, il est vrai, dans le dialecte tout à fait courant et familier, mais dans cet attique un peu ancien qui forme le fond du langage tragique et qui se retrouve chez Thucydide[4]. Par là, il rend hommage à la prépondérance croissante de l’atticisme, et marque un juste pressentiment de l’avenir ; en même temps il élève discrètement

  1. Aristote, Réf. des Soph., 34, p. 184, B ; Cicéron, Brutus, 46.
  2. Platon, Gorgias, 449, A ; Ménon, 95, B.
  3. Δικανικοῖς μὲν οὖν αὐτοῦ οὐ περιέτθχον λόγοις (cf. cependant Gorgias, p. 452, E), δημηγορικοῖς δὲ ὀλίγοις καί τισι καὶ τέχναις, τοῖς δὲ πλείοσιν ἐπιδεικτικοῖς (Denys d’Halic., cité par un anonyme, dans Walz, Rhét. gr., t. V, p. 543 ; variantes assez curieuses). Les discours démégoriques étaient-ils des discours fictifs à la façon d’Isocrate, ou ceux même qu’il avait dû prononcer comme ambassadeur ? Peut-être aussi en avait-il composé pour d’autres, comme il arrivait quelquefois et comme le firent Antiphon et Lysias.
  4. Il écrit πράσσειν, et non πράττειν (Christ, Gesch. d. gr. Liter., p. 284). Cf. Blass, t. I, p. 52.