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Protagoras de Platon nous donne bien l’idée d’une de ces fêtes oratoires. Le sophiste, invité à développer le sujet qui lui est proposé, s’y prête volontiers, et démontre sa thèse (la possibilité d’enseigner la vertu) de trois façons : d’abord par un mythe allégorique, ensuite par un discours suivi, enfin par le commentaire d’une citation poétique. Ce sont là, avec l’éristique proprement dite (discussion par demandes et réponses), les procédés favoris des sophistes. Protagoras, dans Platon, parle avec ampleur et finesse, un peu longuement, en homme qui se sait éloquent, et qui fait avec plaisir les honneurs de son esprit. Les idées d’ailleurs n’ont rien qui choque le sens commun ; elles sont plutôt raisonnables et belles[1]. C’est ; là, sans aucun doute, un portrait ressemblant[2], et un portrait qui fait honneur à Protagoras. Cette peinture nous montre en lui un homme ingénieux, disert, d’un esprit souple et pondéré[3].

Lui-même se donnait plutôt pour un dialecticien et un philosophe que pour un orateur proprement dit. Gorgias, au contraire, voulut être orateur et maître de rhétorique.


Gorgias était de Léontium en Sicile. Il paraît être né à peu près en même temps que Protagoras, vers 485, et être mort à l’âge de plus de cent ans, vers 380. Mais ces dates ne sont qu’approximatives[4]. Il fut

  1. Elles ont seulement le défaut, aux yeux de Socrate, de ne pas remonter aux principes, de ne pas avoir été rigoureusement vérifiées ni éclaircies ; de sorte qu’elles manquent de solidité scientifique.
  2. Voir Philostrate, Vies des Sophistes, I, 494.
  3. Le fragment cité par Plutarque (Consol. Apoll., 33) est simple et beau, sans artifices apparents de langage (on y remarque l’emploi du dialecte ionien, selon l’usage d’Abdère ; Protagoras n’a pas encore, comme Gorgias, une vue nette du triomphe certain de l’atticisme).
  4. Les indications des anciens (Suidas, Eusèbe) sur la date de sa naissance sont très divergentes. On sait seulement que, lors de son ambassade à Athènes en l’année 427 (Diodore, XII, 53), il n’était plus jeune γηράσκων, dit Philostrate, Vit. Soph., I, 9), qu’il survécut à Socrate (Platon, Apol., p. 19, E ; Quintilien, III, 1, 9), et qu’il mourut