latent, devait se développer et ce côté fâcheux de l’esprit grec se montrer en pleine lumière.
En somme, tout le mauvais de la rhétorique grecque, le manque de sérieux et de probité scientifique, le fléau de l’hellénisme postérieur à Alexandre, se rattache en droite ligne à la sophistique. Non que celle-ci l’ait proprement créé ; elle sort elle-même de cet état d’esprit, qui existait avant elle ; mais elle en est une des manifestations les plus significatives, et, comme il arrive, elle l’a fortifié.
La vogue de la sophistique au Ve siècle fut immense. Toute la jeunesse athénienne, les Alcibiade, les Critias, les Calliclès, subit une sorte de fascination. Il faut voir, au début du Protagoras de Platon, l’émotion du jeune Hippocrate à la pensée qu’un grand sophiste, un maître tel que Protagoras, vient d’arriver à Athènes. Deux choses, dans la sophistique, séduisent les esprits : d’une part, la puissance utile de cet art qui se fait fort de triompher, quelle que soit la cause à défendre, devant le peuple ou devant les tribunaux ; ensuite le jeu brillant, le jeu amusant de cette vive escrime, si conforme aux goûts et aux aptitudes de la Grèce et d’Athènes. Ce jeu, d’ailleurs, était essentiellement aristocratique ; car, comme les courses de char et de chevaux, il était cher ; raison de plus pour qu’il fût à la mode. Le peuple s’en défiait comme d’une espèce de sortilège ; il en voyait les effets, et ne comprenait pas bien la cause de ce qu’il voyait. Les poètes comiques allaient répétant que la sophistique était la ruine des vieilles mœurs, la perte de la cité ; le juste, grâce à elle, devenait ridicule et l’injuste tout puissant ; les vieux marathonomaques, qui ne savaient que la vertu, ne pouvaient rien contre des rhéteurs de vingt ans à la langue bien affilée. La jeunesse riche et noble s’amusait de ces craintes du peuple, de ces attaques de la