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avaient déjà compris l’avantage d’une composition claire et bien ordonnée, où chaque chose est mise à sa place et par là même plus aisée à comprendre. De là leur théorie des divisions du discours. Corax avait distingué et nommé l’exorde où la question est posée[1]. Il connaissait probablement aussi les parties tout à fait essentielles du discours : la narration, la discussion des vraisemblances, la conclusion, auxquelles les rhéteurs de la génération suivante ne paraissent avoir ajouté que des subdivisions plus ingénieuses que réellement utiles[2]. Mais nous n’avons pas sur ce point de témoignage tout à fait précis.

Quoi qu’il en soit, on voit assez ce qu’est la rhétorique sicilienne après Tisias et avant Gorgias, vers 450 ou 440. Elle est née d’un souci tout pratique, celui d’enseigner aux plaideurs à gagner leur cause. Elle est encore enfermée dans le genre judiciaire. Il était naturel qu’elle commençât par là ; le genre judiciaire intéressait alors directement beaucoup de citoyens, et c’est d’ailleurs, de tous les genres oratoires, celui qui se ramène le plus aisément à des règles fixes, à des procédés de composition et de discussion toujours à peu près semblables. La rhétorique naissante est déjà très habile, très rouée ; mais elle n’est ni philosophique ni artistique, et elle semble plutôt une étude à l’usage de certains praticiens qu’une gymnastique générale de l’esprit et une force partout applicable. Mais, à ce moment même, elle se rencontre avec la sophistique proprement dite, et aussitôt elle se développe en tout sens.

  1. Il appelait l’exorde κατάστασις (Syrianos, dans les Rhét. grecs de Walz, t. IV, p.575).
  2. Platon, Phèdre, p. 266, E.