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elle va susciter l’éloquence savante et littéraire, mais elle est destinée à lui survivre. Elle enchante si bien l’esprit de la Grèce, toujours éprise des belles paroles, que celle-ci ne pourra plus s’en détacher, même quand elle n’aura plus rien à dire qui appelle l’éloquence. Après avoir été un instrument de progrès, la rhétorique finira par devenir un jeu, à la fois frivole et funeste, qui détournera les intelligences des affaires sérieuses, c’est-à-dire de la science et de la vérité. Nous n’en sommes pas là, au Ve siècle, tant s’en faut. Dès le début, cependant, et dans le premier éclat de la sophistique, nous aurons à noter, à cet égard, plus d’un symptôme significatif.

En ce qui concerne spécialement cette première période, cet âge de formation et de progrès dont nous avons d’abord à nous occuper, l’influence de la rhétorique sur l’éloquence est facile à résumer.

On peut dire, en imitant un mot de Pascal, qu’un peu d’art, en matière oratoire, éloigne du naturel, et que beaucoup d’art y ramène. Après l’apparition des premiers grands orateurs les théoriciens étudient leurs discours ; ils en analysent les procédés, et, tout d’abord, ils s’attachent plus à l’extérieur qu’à l’essentiel ; ils abusent des moyens qui ont réussi ; de là quelque monotonie et quelque raideur. Puis une réaction se produit ; la simplicité reprend ses droits ; l’étude des procédés, en devenant plus complète, ramène la variété


    fois pour toutes un beau livre de M. Fr Blass, Die attische Beredsamkeit(4 vol.), dont la seconde édition vient de s’achever, et qui est classique. Le tome I traite des débuts, depuis Gorgias jusqu’à Lysias. L’ouvrage de Blass a fait oublier l’histoire antérieure de Westermann. À consulter aussi : G. Perrot, l’Éloquence politique et judiciaire à Athenes (t. I, seul paru), Paris 1873 ; J. Girard, Études sur l’éloquence attique, Paris, 1874 ; Jebb, The attic orators from Antiphon to Isaeos, Londres, 1876, 2 vol, (2e éd., 1893) ; Volkmann, Die Rhetorik der Griecher und Römer, Leipzig, 1885 (2e éd.) ; Chaignet, la Rhétorique et son histoire, Paris, 1888.