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ton, qui avait pourtant pu entendre ses successeurs[1]. Il ne faut pas appliquer à Péricles, en effet, le mot de Cicéron sur les orateurs de cette période : Grandes erant verbis, crebri sententiis, compressione rerum breves, et ob eam ipsam causam subobscuri[2]. Rien de plus juste, si l’on considère Thucydide ou Antiphon ; c’est-à-dire des écrivains ; mais rien de plus faux que ce jugement, si on l’applique à Périclès, c’est-à-dire à un orateur qui suivait son génie, qui ne faisait pas effort pour écrire, et qui improvisait. L’influence d’un pareil exemple fut certainement immense ; il est aisé de voir qu’elle s’exerça très directement sur Thucydide, malgré les différences incontestables ; par l’intermédiaire de Thucydide, elle agit sur Démosthène. Periclès a fixé l’idéal athénien. Dans l’éloquence politique et dans l’oraison funèbre, il a révélé à ses compatriotes une forme nouvelle de la beauté. Mais il mourut sans avoir rien écrit, sinon, dit Plutarque, les décrets qu’il fit passer[3]. La grande éloquence n’était donc pas entrée dans la littérature, c’est-à-dire dans le patrimoine durable de la nation. Il restait, même après Périclès, à lui faire franchir cette nouvelle étape. Ce fut l’œuvre de la rhétorique.


II


Le moment où naît la rhétorique est, dans la littérature grecque, une date importante[4]. Non seulement

  1. Phèdre, 269, E : Κινδυνεύει, ὦ ἄριστε, ὁ Περικλῆς τελεώτατος εἰς τὴν ῥητορικὴν γενέσθαι.
  2. Brutus, 7
  3. Plutarque, Périclès, 8, 5. Cicéron semble dire le contraire, Brutus, 7 (Ante Periclem, cujus scripta quædeam feruntur…). Mais il s’agit évidemment là de quelque ouvrage apocryphe, à moins que Cicéron ne veuille parler des ψηφίσματα rédigées par Périclès.
  4. Pour l’histoire de l'éloquence grecque en générale, je renvoie une