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ral en langage, plaisant, du mot même de Platon sur sa hauteur d’âme, τὸ ὑψηλόνουν.

S’il est vrai que le style est l’homme même, le style de Périclès devait, comme sa pensée et son attitude à la tribune, avoir quelque chose d’olympien, c’est-à-dire de noble et d’élevé. Ce serait cependant une complète erreur que de s’imaginer Périclès comme un orateur froid et guindé. Cette éloquence philosophique avait du mouvement, de l’éclat, de la grâce. Quand on appelait Périclès « olympien », on ne songeait pas seulement à la hauteur de sa pensée ; on voyait aussi en lui une sorte de Zeus, de Jupiter Tonnant, la foudre et l’éclair à la main. « Périclès, dit Aristophane, se mit à lancer les éclairs et le tonnerre et à bouleverser toute la Grèce[1]. » Suivant les poètes comiques, « sa bouche lançait la foudre[2] ». Mais comme Zeus, dans les orages qu’il déchaînait, lui-même restait ferme et tranquille. Il n’avait pas seulement la force ; il avait la grâce. Sa voix était belle, ses paroles rapides et coulantes[3]. « C’était le plus grand des orateurs, dit un personnage d’Eupolis ; comme les bons coureurs, il battait tous ses rivaux d’au moins dix pieds. » À quoi un autre personnage répond : « Sur la rapidité de sa parole, tu dis bien, mais, en outre, la persuasion résidait sur ses lèvres ; il y avait dans sa parole un enchantement, et seul de tous les orateurs, il laissait l’aiguillon dans la plaie[4]. » D’où venait cet enchantement ? probablement d’un éclat, d’une fleur d’imagination qui tenait de la poésie, et dont nous pouvons encore retrouver certaines traces trop rares ; non dans les discours de Thucydide, bien entendu : Thucydide est un écrivain trop personnel

  1. Aristophane, loc. cit.
  2. Plutarque, Périclès, 8, 3.
  3. Id., ibid., 7, 1
  4. Eupolis, Δῆμοι, fr. 94 (Kock).