un sens plus spirituel) : « Ce sont les auditeurs qui font les rédicateurs[1]. » Le public athénien a fait des orateurs de premier ordre.
La démocratie d’Athènes, en effet, malgré ses défauts, a de grandes qualités. Elle aime sans doute qu’on la flatte ; elle se fatigue d’entendre appeler Aristide du nom de juste ; elle est soupçonneuse et défiante à l’égard de ceux mêmes qu’elle a élevés ; elle se plaît aux querelles personnelles, qui amusent sa malignité ; elle est mobile et partiale. Mais ces défauts regardent plutôt la conduite de ses affaires que son goût. En revanche, elle a trop d’expérience de la vie politique et un esprit naturellement trop fin pour se laisser prendre à une déclamation creuse, à des phrases simplement sonores : il lui faut un aliment plus solide. Si elle aime qu’on la flatte, encore faut-il que la flatterie ait grand air. Car elle est généreuse, elle aime les nobles idées. Exaltée dans son patriotisme par les guerres médiques, par l’établissement de son empire maritime, par l’éclat de ses arts et de son théâtre, nourrie de la poésie d’un Eschyle et d’un Sophocle, elle se forme un idéal de son propre rôle qui ne va pas sans un sentiment élevé du devoir à accomplir. Elle aime à se reconnaître dans les plus nobles héros de ses tragédies, par exemple dans ce Thésée de l’Œdipe à Colone, à la fois fier et doux, puissant et secourable, véritable incarnation de la civilisation athénienne. Démosthène savait bien qu’en parlant au peuple des droits de la Grèce il trouverait un écho dans toutes les âmes[2]. Chose curieuse, d’ailleurs, cette démocratie, à tant d’égards si affranchie du passé, est foncièrement religieuse ; elle l’est même beaucoup