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nienne, on pouvait faire beaucoup à Athènes[1]. L’opinion publique n’en était pas trop scandalisée, pourvu qu’on y mit de la discrétion et une certaine honnêteté[2]. Mais, à côté de ces avantages plus ou moins licites, il y avait aussi de gros risques à courir. Toutes sortes d’accusations redoutables étaient sans cesse suspendues sur leur tête : vénalité, trahison, violation des lois, il n’était pas de griefs qu’un adversaire ardent ne fût toujours prêt à diriger contre eux ; s’ils perdaient la partie, il y allait pour eux de l’exil, de la mort même, à tout le moins d’une grosse amende qui les ruinait. Les luttes politiques étaient violentes et sans pitié. Pour entrer dans l’arène, il fallait être fortement trempé au physique et au moral. À défaut de restrictions légales, il y avait des restrictions naturelles, telles que le défaut d’organe ou la timidité ; Isocrate ne put jamais aborder la tribune. Aussi, en fait, les orateurs furent toujours peu nombreux, et ils finirent, à mesure que l’art devint, plus savant et plus difficile, par former comme un groupe de professionnels. Cette vie politique intense, en exaspérant les ambitions, les rivalités, l’ardeur de vaincre et de jouir, était peu favorable à la moralité. Les mœurs des orateurs étaient un sujet de raillerie pour les comiques, et ce qu’ils disent eux-mêmes les une des autres confirme assez, en général, l’opinion des poètes comiques. Entre les gains illégaux, mais tolérés, et les profits scandaleux, la limité était évidemment délicate à établir. Le mot sycophante, ne l’oublions pas, appartient à la grécité la plus classique ; les sycophantes étaient même si nombreux à Athènes qu’on pouvait, au dire de Platon, acheter souvent leur parole assez peu cher, vu la concurrence[3]. Mais si

  1. Pseudo-Xénophon, Rép. Athén., 3, 3.
  2. Hypéride, Contre Démosth., p. 12, col. 2, Blass (Teubner), 1’ere éd.
  3. Criton. ch. IV, p. 45, A. — Sur les sycophantes, sorte d’orateur en sous-ordre, cf. Pseudo-Démosthène, Contre Néère, 43. Leur mauvaise