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CHAPITRE IV. — SOCRATE

teur de la science morale, est moins un moraliste et un psychologue qu’un classificateur d’idées morales. Ces imperfections de la méthode sont évidentes, et on ne saurait les taire. Mais il serait tout à fait injuste de les reprocher durement au fondateur du spiritualisme. L’histoire impartiale éprouvera toujours une vive admiration pour tant de vues si nettes et, d’une si grande portée ; pour ce sentiment profond qu’il n’y a pas de science sans méthode, et que la science humaine, quelque part qu’elle doive faire d’abord à l’étude des faits, aboutit nécessairement à étudier des rapports et à les déterminer ; pour la puissance de cet esprit qui, ayant conçu la nécessité d’une méthode, en a fixé les principaux traits d’une manière durable ; pour cette abondance enfin d’idées originales et neuves qui, sous une apparence souvent paradoxale, comme dans la théorie de la maïeutique, renferment un si riche trésor d’intuitions justes.

§ 3

Les Mémorables font voir à quelle variété de sujets Socrate appliquait sa dialectique. Il causait avec tout le monde, de préférence sur le sujet qui était le plus familier à son interlocuteur, espérant ainsi découvrir quelque vérité nouvelle. Il discute un jour sur la beauté avec des artistes[1], une autre fois sur les exercices gymnastiques avec un jeune homme de santé délicate[2], une fois même avec une courtisane sur l’amour[3]. Sept chapitres des Mémorables[4] sont remplis par des discussions relatives aux qualités du stratège ; de l’hipparque, de l’homme d’état, etc. La plupart sont consacrés aux vertus morales

  1. Mémor., III, 10.
  2. Ibid., III, 12.
  3. Ibid., III, 11.
  4. Au livre III.