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dangereuses pour ceux qui s’y laissent prendre ; mais clairement, solidement, de manière à établir l’intelligence dans la pleine et sûre possession’de la vérité. En d’autres termes, la première condition de la science, après la détermination des objets auxquels il lui est permis de s’appliquer, est d’avoir une méthode. D’autre part, son rôle est double. Il faut d’abord qu’elle sache reconnaître l’erreur qui se croit vraie et la démasquer. Il faut ensuite que, dans le domaine des notions accessibles à l’homme, elle sache trouver la vérité. La méthode, par conséquent, est double aussi ; il y a d’abord une méthode critique et destructive, puis une méthode constructive. Dégager cette double méthode, puis l’appliquer à découvrir des notions justes, voilà ce qu’a voulu faire Socrate et ce qui lui donne une place à part au milieu de ses contemporains. Le premier, il a nettement compris qu’une opinion vraie pouvait n’être pas scientifique, que la science était tout autre chose qu’un ensemble de notions justes, mais non prouvées. Le premier, il a essayé de tracer les règles de cette méthode nécessaire. Le premier enfin, l’ayant découverte, il a entrepris d’en tirer parti au profit de la vérité. Avant tout examen de ses théories particulières, on peut dire que c’est là un progrès immense et décisif dans l’histoire de l’esprit humain ; car la méthode joue dans la science le même rôle que la conscience dans l’individu ; avec la méthode, le mouvement instinctif et obscur de l’esprit fait place à un mouvement conscient et réfléchi : c’est la pleine lumière qui succède aux demi-ténèbres des intuitions confuses. − On a souvent reproché à Socrate, non sans raison, d’avoir trop rétréci le domaine de la science ; de l’avoir non seulement rétréci, mais abaissé. Ses préoccupations utilitaires, chez Xénophon, ont parfois quelque chose de mesquin. Il n’a pas compris ce qu’il y avait de généreux