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ces informations ; or il est certain que Ctésias ne l’a pas toujours fait.

Plutarque l’accuse formellement de viser au merveilleux et au théâtral (nous dirions au romanesque) plus qu’au vrai[1]. Démétrius l’appelle « un poète »[2]. Photius parle aussi du pathétique et de l’imprévu de ses récits[3]. Voilà des reproches sérieux ; toutes les phrases sévères de Thucydide sur les logographes tombent directement sur Ctésias. Cet amour du merveilleux allait quelquefois jusqu’au mensonge formel, par exemple quand il déclarait avoir vu lui-même, de ses propres yeux, certains animaux fantastiques de l’Inde ou certains actes quasi-miraculeux[4]. En tout cas, il n’avait aucun scrupule sur les légendes populaires : son histoire des origines assyriennes est toute poétique. Ce qui est plus grave (car les légendes mêmes ont leur prix), c’est qu'il n’avait guère plus de souci de la chronologie, si nécessaire aux yeux de Thucydide, ni de la méthode à employer dans la mise en œuvre des matériaux. La suite des faits, dans ses livres, laissait beaucoup à désirer[5]. En revanche, on y trouvait de petits romans en abondance, et des lettres du roi des Indes à Sémiramis. Ajoutons, cependant, pour être justes, que ce hâbleur avait aussi rassemblé beaucoup de faits curieux.

Quand il disait qu’il avait lui-même vu les choses, il ne mentait pas toujours, et il en avait vu de fort intéressantes, par exemple dans la campagne de Cunaxa. Sur les mœurs perses de son temps, sur le palais d’Artaxerxès, sur la chronique de la cour et les intrigues du sérail, sur les événements militaires jugés au point de

  1. Plutarque, Artax., ch. vi ; cf. ibid., i.
  2. Démétrius, loc. cit.
  3. Photius, loc. cit.
  4. Cf. C. Müller, p. 9.
  5. Cf. les observations de C. Müller sur le fragm. 29, § 23 et 26.