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tinctive, ensuite réfléchie et méthodique ; le succès ou l’insuccès a déterminé les règles, qu’on attribue à un dieu[1]. De là l’indication de la méthode à suivre pour perfectionner la médecine ; il faut continuer d’observer les faits avec soin, voir ce qui réussit dans chaque circonstance ou ce qui échoue, s’appuyer sur la tradition pour la dépasser[2], se défendre avant tout les principes arbitraires chers à certains savants, comme la théorie du froid et du chaud, du sec et de l’humide[3], comme l’hypothèse d’Empédocle sur les éléments du corps humain[4]. Ces vues a priori doivent être laissées à ceux qui raisonnent sur les choses du ciel et des enfers qu’on ne peut vérifier[5] ; mais le médecin n’en a que faire. Voilà des idées aussi nettes que profondes ; et, grâce à cette méthode, Hippocrate a souvent, en effet, rencontré, juste : il a des observations d’une rare précision, par exemple celle de ce qui s’appelle aujourd’hui encore le facies hippocratique[6], et parfois des intuitions pénétrantes, comme dans ce passage sur les macrocéphales, où il explique comment certains usages peuvent finir par créer des natures nouvelles[7]. Mais, à côté de ces trouvailles de génie, il a aussi des chutes fréquentes. Et je ne parle pas seulement des erreurs matérielles ou des ignorances que nulle science humaine ne peut éviter ; je parle de certains procédés intellectuels qui, à quelques lignes de distance, sont en contradiction avec ses propres maximes et qui montrent combien cet éveil de l’esprit scientifique est encore nouveau, combien sa marche est encore incertaine et trébuchante. Il ne veut

  1. De l’ancienne médecine, début ; ibid., ch. xiv (τὴν τέχνην θεῷ προσθεῖναι.
  2. Ibid., ch. ii
  3. Ibid., ch. i
  4. Ibid., ch. xx.
  5. Ibid., ch. i.
  6. Pronostic, ch. ii.
  7. Des airs, etc., ch. xiv.