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tions[1]. Ce n’étaient pas eux non plus qui avaient le soin du culte d’Asclépios : ils étaient tout à fait indépendants du temple et se déplaçaient volontiers pour aller exercer leur art dans différentes villes[2]. C’étaient des corporations laïques, groupées seulement sous l’invocation d’un dieu, comme tant d’autres dans la Grèce antique.

À côté des prêtres d’Asclépios, qui avaient formé les premiers recueils d’observations médicales et gardé le souvenir de certains modes de traitement inspirés par le dieu, à côté des Asclépiades qui étaient des médecins de profession, dépositaires avant tout d’un ensemble de recettes traditionnelles, d’autres hommes avaient abordé, au ve siècle, l’étude des questions médicales dans un esprit assez différent : c’étaient les philosophes et les sophistes, libres non seulement de toute préoccupation religieuse, mais aussi de tout respect scrupuleux envers une tradition quelconque. Leur prétention était de tout savoir et de tout expliquer, et de ne relever que de la raison. L’étude du corps humain, de ses éléments constitutifs, de ses maladies, était une partie de la science totale ; ils ne pouvaient la laisser de côté. En fait, Alcméon de Crotone, le pythagoricien Philolaos, Empédocle, Diogène d’Apollonie, Anaxagore, Démocrite surtout « le plus savant des Grecs avant Aristote[3] », touchèrent souvent aux questions médicales. Ils y introduisirent, avec quelques découvertes, beaucoup de théories contestables. Mais ce qui est plus important, c’est qu’ils y portèrent aussi plus d’indépendance scientifique, plus d’attention aux

  1. Cela est vrai du moins pour le ve siècle et pour l’immense majorité des Asclépiades, comme on le voit par Platon, Protagoras, p. 311, et par divers écrits hippocratiques (notamment le Περὶ ἱητροῦ, collection Littré, t. IX).
  2. Voir Paul Girard, l’Asclépiéon d’Athènes, p. 83-88.
  3. Littré, t. I, p. 19 de son édition d’Hippocrate.