forme idéalement simplifiée, l’explication de tout un ordre de faits ; de là l’obligation d’aller chaque fois au fond des choses et d’épuiser, pour ainsi dire, la théorie du sujet en question. Ce caractère tient aussi au temps ; l’éloquence devait alors être abstraite, parce que les idées générales n’avaient pas encore été formulées. À ce point de vue, la composition oratoire, chez Thucydide, n’est pas entièrement ce qu’elle serait chez un orateur de tribune parvenu à la pleine possession de son art. L’art des divisions, qui est une autre partie de la composition oratoire, n’est pas non plus pratiqué avec lui avec la même rigueur que chez les orateurs de profession. Le biographe Marcellin dit que non seulement Thucydide a été le premier historien qui ait composé des discours, mais qu’encore il a porté ce genre à sa perfection (τελείως ἐποίησε) ; ce que le biographe explique aussitôt en disant qu’on trouve dans chaque harangue de Thucydide une question nettement posée et une division rigoureuse par points[1]. En effet, ses discours sont ordinairement construits sur un plan clair et simple : quelques lignes d’exorde, une discussion bien divisée et bien conduite, une péroraison courte, qui tire de la discussion une conclusion logique et directe. Cependant Denys d’Halicarnasse, bon juge en ces matières, conteste, sur ce point, l’habileté technique de Thucydide : il ne veut reconnaître que dans quelques-unes de ses harangues un art vraiment achevé[2]. Peut-être Denys a-t-il raison, si l’on songe à ce que la rhétorique ancienne avait en vue quand elle parlait des « partitions oratoires ». Il est certain qu’on ne trouve nullement chez Thucydide cette subtilité de distinc-
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