les deux adversaires ; il n’est, comme historien, ni Athénien ni Spartiate ; il n’est et ne veut être qu’un savant.
Comme il traitait un sujet neuf, il n’a eu que rarement l’occasion de mettre en usage les écrits de ses devanciers. Quelquefois pourtant il les a cités, surtout pour les reprendre. On a déjà vu comment il critique Homère, dont les récits étaient pris pour de l’histoire par la majorité des Grecs du Ve siècle. Ailleurs il relève des erreurs d’Hérodote et blâme Hellanicos. Il est pourtant certain qu’il a suivi de très près, dans le début de son sixième livre, la Σικελιῶτις συγγραφή d’Antiochos de Syracuse, qui fut presque son contemporain[1]. Quelques savants, par exemple M. Mahaffy, sont disposés à en conclure que la révélation de ce fait est de nature à jeter beaucoup d’incertitude sur les affirmations de ce sixième livre relativement aux origines siciliennes, affirmations acceptées jusqu’ici presque sans contrôle sur la foi de Thucydide. Mais, pour accorder cette conclusion, il faudrait admettre que Thucydide, si sévère pour Hérodote et pour Hellanicos, n’a pas exercé sur Antiochos le même contrôle critique. Jusque-là le seul fait qu’il l’a en partie suivi n’établit aucune présomption défavorable à la véracité du récit inséré dans l’histoire de la guerre du Péloponèse et ne prouve rien non plus, par conséquent, contre l’esprit critique de Thucydide en général.
Les modernes donnent avec raison beaucoup d’attention à la géographie, c’est-à-dire à la description du théâtre des événements historiques. L'étude des lieux est une condition de l'étude des faits. Les Grecs, voya-
- ↑ Niebuhr est le premier qui ait exprimé cette idée. Elle a été reprise il y a quelques années par Wöfflin (Antiochus von Syrakus, lecture faite au vingt-huitième Congrès philologique de Leipzig, 1872), et n’est plus mise en doute par personne. Voyez, sur ce sujet, une excellente note de Classen, en tête de l’Appendice critique qu’il a joint à son édition du sixième livre.