divination, les prophéties et autres choses de même sorte, qui vous encouragent d’abord, mais finissent par vous ruiner[1]. »
Si Thucydide n’est pas un disciple de la religion traditionelle et poétique, il n’est pas davantage un voyageur curieux, comme Hécatée ou Hérodote : c’est un politique et un soldat, un Athénien qui a beaucoup vécu dans les environs de la tribune aux harangues, et qui, sans y être probablement monté lui-même bien souvent, a du moins pris un vif plaisir à écouter et à observer ceux qui de là parlaient au peuple, surtout quand c’était un Périclès, un Nicias, un Alcibiade, un Cléon. On sait que Socrate n’aimait pas à sortir d’Athènes ; les champs, disait-il, restaient muets pour lui et ne lui apprenaient rien. On pourrait dire de Thucydide quelque chose de semblable : il n’aime pas, comme historien, à sortir de la place publique ou des camps ; les aventures de voyage n’ont pour lui aucun attrait. Ce qui l’intéresse, c’est le jeu compliqué des forces qui mènent la société grecque ; idées, passions, richesse, circonstances matérielles et morales. Il est en cela bien Athénien[2].
Enfin son idéal littéraire est également nouveau. À la poésie, qui embellit et amplifie les choses, il préfère la prose, qui les décrit telles qu’elles sont. À la magie du vers, qui charme l’oreille et l’imagination, il préfère la précision, l’analyse pénétrante et subtile. Ses maîtres ne sont ni Homère, ni Pindare, ni Eschyle. Il doit davantage aux tragiques contemporains, à un Sophocle, à un Euripide, si habiles à lire dans les âmes et à mettre en scène le conflit des passions ou des idées.