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régulières que l’ordre des jours et des saisons, rigoureusement égales à leur effet.

Thucydide, suivant Marcellin, parut à quelques anciens suspect d’athéisme[1]. Mais l’accusation d’athéisme est une accusation assez banale et vague, maintes fois dirigée dans l’antiquité contre ceux qui rejetaient la religion populaire. On ne peut dire que Thucydide soit un athée ; il ne l’est pas plus qu’Anaxagore lui-même, avec qui on l’associait dans cette accusation. Bien qu’il n’ait fait nulle part de profession de foi explicite à ce sujet (car il ne faut pas prendre pour l’expression exacte de sa pensée les paroles religieuses qu’il place dans la bouche d’un Nicias ou dans celle des Méliens opprimés), nous n’avons aucune raison de croire qu’il niât l’existence des dieux, ou plus exactement d’une puissance divine (assez indéterminée d’ailleurs). Il fait dire quelque part à Périclès qu’il faut « opposer aux calamités naturelles la résignation qu’exigent les maux inévitables, et aux souffrances infligées par l’ennemi un courage viril[2] ». Les calamités naturelles sont appelées par lui « les choses divines » (τὰ δαιμόνια). Sans voir dans ce mot une profession de foi (car il est probable que Thucydide a simplement voulu parler comme tout le monde en se servant de cette expression usuelle et d’ailleurs peu précise), on peut du moins admettre qu’un allié résolu aurait facilement trouvé un autre mot qui rendit mieux sa pensée sans trahir celle de Périclès. Ailleurs il paraît considérer comme un grand signe de corruption sociale l’affaiblissement de la crainte des dieux et de la fidélité au serment[3]. Dans la description de la peste aussi, quoique avec moins de clarté sur le fond de la pensée, on le voit noter comme

  1. Marcellin, 22.
  2. Thucydide, II, 64, 2.
  3. Thucydide, III, 82, 6 ; 83, 2.