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CHAPITRE II. — THUCYDIDE

tiques[1]. En somme, la première opinion reste la plus probable.

Arrivons à la seconde des grandes questions auxquelles a donné lieu la composition de l’ouvrage de Thucydide : il s’agit de savoir si ce que nous appelons d’un seul mot l’histoire de Thucydide n’est pas la réunion de plusieurs ouvrages distincts composés séparément et rapprochés après coup. C’est là une hypothèse soutenue pour la première fois par Ullrich en 1846, et qui a fait depuis couler beaucoup d’encre[2]. À première vue, en effet, la question paraît grave ; car elle consiste, semble-t-il, à décider si le livre de Thucydide est, dans son ensemble, une œuvre d’art, ou si c’est un composé de pièces rapportées. On voit, en y regardant avec attention, que les adversaires sont plus près de s’entendre qu’il ne paraît d’abord, et que la question ne méritait peut-être pas les interminables et fastidieuses discussions qu’elle a fait naître.

D’une part, en effet, les partisans les plus résolus de l’unité de composition ne peuvent nier qu’on ne trouve dans les premiers livres de Thucydide quelques traces d’une rédaction antérieure à 404 et même au début de la guerre de Décélie : par exemple, au livre II (23, 3), la mention de la domination actuelle d’Athènes sur Oropos, domination qui prit fin, selon Thucydide lui-même[3], en 411. Thucydide avait donc non seulement pris des notes, mais en partie rédigé son récit avant la conclusion de la lutte, et cette première rédaction n’a pas été partout corrigée par lui.

D’autre part, Ullrich et ses disciples sont bien forcés d’admettre qu’il y a dans ces mêmes livres nombre de

  1. Cf. Mahaffy, op. cit., p. 116-117.
  2. Ullrich, Beiträgen zur Erklärung des Thukydides, Hambourg, 1846.
  3. Thucydide, VIII, 60 (cité par M. J. Girard, Essai sur Thucydide, p. xiv).