FORMES ET ESPRIT DE LA COMÉDIE NOUVELLE 607
d'ailleurs les bons sentiments ne faisaient pas toujours entièrement défaut.
L'esprit épicurien se fait sentir dans toute la comédie nouvelle. Il y est reconnaissable dans les mœurs, dans les idées, peut-être dans la conduite des pièces par le rôle complaisamment attribué au hasard. Toutefois ce n'est pas Tépicurisme théorique et systématique qui domino Je théâtre d'alors ; c'est bien plutôt Tépicurisme pratique, souvent inconscient et inconséquent, tel qu'il régnait en fait dans la société athénienne. En le mettant sur la scène, les poètes l'ont emprunté à la vie réelle, non à l'école ; voilà pourquoi, au lieu de refroidir et d'alour- dir leurs drames, il leur prête un air de naturel, et il en fait pour nous autant de témoignages singulièrement in- téressants d'un état d'esprit alors général.
Au point de vue de la moralité, c'est une question dé- licate de décider si la comédie nouvelle est inférieure ou supérieure à l'ancienne. Celle-ci était grossière et scan- daleuse incontestablement ; mais elle avait un idéal élevé qui se dégageait de ses bouffonneries, elle vantait l'hon- nêteté politique, la simplicité des mœurs, la haute vertu des vieux poètes ; à tout prendre, c'était une satire saine et vigoureuse. De plus, en posant de graves questions, elle provoquait à penser ; née de la liberté, elle en avait sans doute les inconvénients, mais aussi les avantages. Rien de pareil dans la comédie nouvelle; ici, plus d'ap- pel aux réflexions sur les intérêts de l'État, sur le bien ou le mal de la société, sur les vices publics à corriger ; elle ne connaît plus le citoyen, elle ne s'adresse qu'à l'homme. Que lui enseigne-t-elle? Elle lui montre des ridicules, des faiblesses, des passions mal réglées ; ce spectacle, par sa vive réalité, est à la fois un amusement et un avertissement ; pour qui sait comprendre, il a la même valeur d'exhortation que la vie elle-même; un homme intelligent s'y raffermit dans le bon sens, dans
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