550 CHAPITRE XII. — ARISTOPHANE
le voilà changé, sans invraisemblance : la désillusion esl brusque et complète, elle le rend à lui-même. — Phi- locléon n a pour volonté qu'une manie, celle de juger. Mais combien cette manie n'est-elle pas active et ingé- nieuse t Toute la maison est tenue en haleine, le fils ne dort plus, les serviteurs sont sur les dents. Et quel tem- pérament irascible ! Il cède pourtant à des arguments convaincants; et sans doute, au point de vue de la vrai- semblance morale, il cède trop vite et trop complètement. Mais, si sa raison est persuadée, son cœur ne Test pas. Il aurait la nostalgie du tribunal, s'il ne s'en faisait un à domicile. Puis, dans le changement des idées, le tempé- rament reste le même. Cet âpre et irritable vieillard, de- venu un bon vivant, est aussi ardent, aussi querelleur, aussi agressif que jamais. Quand il ne juge plus de pro- cès, il en fait naître : converti ou non, il sera litigieux jusqu'à son dernier jour. — La personnalité de Trygéc, dans la Paix^ est moins originale. Il veut la paix, comme la voulait Dicéopolis; il va la chercher jusque dans le ciel ; après une chevauchée merveilleuse à dos d'escarbot, il la trouve enfin, ensevelie sous des ruines, la déterre malgré les dieux, et ramène sur la terre ses deux com- pagnes, Opora et Théoria. L'élément fantaisiste domine en lui ; et pourtant il a aussi, par moments au moins, sa physionomie humaine ; c'est un petit propriétaire d'Ath- monée, qui aime tendrement sa vigne et son Gguier ; fils de la glèbe, il y tient par le cœur.
Le protagoniste des Oiseaux, l'entreprenant Pisélaire, est passablement fantastique, lui aussi, comme le raonde merveilleux au milieu duquel il s'agite. Et pourtant que de vérité encore dans cette fantaisie ! Quel Athénien, tout en riant du personnage fictif, ne retrouvait en lui-même à quelque degré tout ce qui le caractérisait essentielle- ment? Cette adresse, cette promptitude d'invention, cette confiance communicative, cette gaieté qui est une force.
�� �