SES QUALITÉS DRAMATIQUES 549
de temps à Dicéopolis pour se mettre en possession de son trailé de paix, et, bientôt après, il vient à bout de ses plus rudes adversaires ; dès lors, nous l'avons dit, la pièce n'est plus qu'un défilé ; il achète, il vend, il pré- pare son dîner, il chasse les imposteurs, il se moque de Lamachos ; il n'y a point là de progrès dramatique à proprement parler. Mais il y a progrès manifestement dans la démonstration des avantages de la paix : chaque scène nouvelle les fait ressortir d'une manière plus frap- pante et plus plaisante en même temps. Il en est do même dans la Paix^ dans V Assemblée des femmes. Toutefois, il faut prendre garde ici de ne pas se laisser tromper par les apparences. Une pièce de théâtre, alors même qu'elle tend à mettre en lumière une idée, n'est pas un simple plaidoyer ; elle a ses lois propres, qui sont celles du genre dramatique. C'est par des effets dramatiques qu'elle peut arriver à son but ; et il est clair que, si la progression des raisons n'était pas liée à celle des ef- fets, bien loin de convaincre le public, elle l'ennuierait. D'ailleurs, comme les raisons chez elle sont des effets, il peut bien arriver souvent que la force des raisons soit uniquement celle des effets. Non seulement, en elles-mê- mes, elles ne sont pas plus fortes les unes que les autres, mais il est possible qu'elles soient identiques. Dans les ^cAarm^r25 justement, il en est ainsi. Car, au fond^ tout ce qu'Aristophane allègue en faveur de la paix, c'est qu'elle permet de vivre à l'aise, tandis que la guerre fait la vie dure. Voilà ce qu'il répète ou plutôt ce qu'il sug- gère dans une série de scènes : l'idée est toujours la même, et, en un certain sens, la démonstration n'avance pas. Si elle parait se fortifier, si elle s'impose au public, ce n'est pas par un véritable progrès intérieur, c'est par une combinaison dramatique. Il faut donc en venir à étu- dier cette sorte de progression, qui est celle des effets. Partout, chez Aristophane, elle est frappante ; rien ne
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