44 CHAPITRE II. — ORIGINES DE LA TRAGÉDIE
voulaient pas qu'on leur fît dire ce que peut-être ils n'auraient pas dit. Il y avait là une sorte de nnensoo^ qui offensait ces esprits honnêtes et sin^ples. Mais le peu- ple était charmé et ses chefs trouvaient bon qu'il le fût. Le succès fut tel que, à chacune des grandes fêtes dio- nysiaques, plusieurs poètes à la fois se présentèrent avec des tragédies pour se disputer la faveur du public ^ Concours d*abord privé, qui ne tarda pas à devenir officiel.
On a fait honneur à Thespis de presque toutes les inventions capitales qui ont constitué l'art tragique et de quelques autres moins importantes. C'est lui qui aurait, le premier, ajouté au chant du chœur un prologue et des récits^ ; lui encore, — et ceci au fond revient au même, — qui aurait institué le rôle de Vacteur en face de celui . du chœur ^ ; enfin c'est lui qui aurait créé la mise en scène, par l'introduction du masque *. Vraisemblables d'une manière générale, ces assertions ont peut-être le tort de ne pas tenir assez de compte de ce qui avait pu être fait déjà avant Thespis, et surtout de ce qui se fit autour de lui. Nous n'avons d'ailleurs aucun moyen de les discuter utilement dans le détail.
Rien d'authentique ne s'est conservé de l'œuvre du premier poète tragique d'Athènes. Quand le goût de l'his- toire littéraire se fut répandu en Grèce, on sentit vive- ment combien cette perte était regrettable. Pour la répa- rer, quelques hommes, qui avaient plus d'industrie poétique que de scrupules, refirent à leur manière les
1. Platon, Minos, XVI : "Eoti ôè tîjç Tcoiyjo-ecûç ÔT)(xoTep7t6ffTaT6v Te xa\ +uxaï<^ït'*^'f«'^o^ ^ xpa-ftoSia. Cette vertu propre de la tragédie, qui tient à sa nature même, dut se faire sentir dès le début. Le peuple aime le pathétique.
2. Themistios, Orat. 26, p. 382 Dindorf : Tb (làv irpôTOv é ^^opo; eî<r- itov ^8ev e!ç xoùç Oeouç, 0éo"7ci; hï otpdXoYOV oça\ pY)(riv èÇsûpev.
3. Diog. Laërce, III, 56,
4. Suidas, ©éerTtiç.
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