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SES TENDANCES GÉNÉRALES 527

Mais, dit-on, derrière les hommes, il y a les institutions, dont il se moque également. Ceci n'implique-t-il pas de sa part un parti pris plus réfléchi ? Notons ses critiques : il tourne en ridicule le Sénat, l'Assemblée, les tribunaux, les magistrats, et en fin de compte le peuple lui-même, c'est-à-dire tous les fondements de la démo- cratie. Il nous montre la badauderie et l'ignorance ré- gnant dans les délibérations, la légèreté, l'inconstance, le souci des intérêts personnels. Les ambassadeurs se moquent du peuple, font bonne chère et voyagent dou- cement à ses dépens, après quoi ils le régalent de men- songes. Dans les tribunaux qu'il imagine, il n'est pas question de justice; son héliaste, Philocléon, est une sorte de maniaque, qui juge à tort et à travers, par ca- price, par intérêt, par bêtise, selon les cas, jamais par réflexion ni par conscience. Quant au peuple lui-même, sous le nom de Démos, il en fait un vieillard quinteux, niais, gourmand, dissolu, qui est dupé par ses serviteurs et qui les dupe à son tour, en somme sans caractère et sans honneur. L'excès même de ses moqueries nous aver- tit de ce qu'elles valent. Lorsque le héraut, dans les Acharniens, présentait si drôlement à l'assemblée le faux envoyé persan, Pseudartabas, « l'œil du roi », le poète voulait-il dire que de faux ambassadeurs étaient réelle- ment admis par le peuple ou par le sénat, et le public lui attribuait-il un seul instant cette pensée? Il serait puéril de le supposer. Insinuait-il même que les Athéniens étaient toujours trompés par leurs députés et qu'une démocratie était incapable au fond d'avoir une diplomatie sérieuse? Intention bien profonde pour une bouffonnerie : si les Athéniens l'avaient comprise ainsi, au lieu d'applaudir le poète, ils l'auraient sifflé. En réalité, ils voyaient là, surtout une charge énorme, dont ils riaient sans arrière- pensée ; quant à la satire, ils l'interprétaient joyeusement, étant les premiers à reconnaître qu'on les trom-

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