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PRÉDÉCESSEURS D*ARISTOPHANE 467

dépeint d'une manière analogue : « Par Apollon ! quel flot de paroles 1 Un bouillonnement d'eau jaillissante! Douze embouchures au lieu d'une bouche î Tout un Uis- sos dans un gosier ! Que vous dirai-je ? Si vous ne lui mettez un tampon dans la gorge, il va tout inonder de sa poésie K » Sous cette fantaisie, on devine une nature exceptionnelle. Il fit jouer, dit-on, vingt et une comédies et fut neuf fois vainqueur ^ Si Ion en croyait Aristophane, Cratinos, comme son prédécesseur Magnes, aurait cessé de plaire au peuple dans sa vieillesse. En 424, dans la parabase des Chevaliers, le jeune poète représentait mé- chamment son vieux rival comme un instrument délabré qui se disjoint et ne vaut plus rien. Toutefois nous savons que, cette année même, Cratinos était encore mis parles juges au second rang, et que, Tannée suivante, il prenait une éclatante revanche avec sa comédie de la Bouteille. On est donc autorisé à dire, malgré Aristophane, que, jusqu'à la fin, il resta égal à lui-même.

Les rares et pauvres fragments qui subsistent de ses œuvres ne permettent guère de l'apprécier. C'est surtout en interprétant les jugements des anciens qu'on peut se faire quelque idée de son rôle.

Un grammairien anonyme nous dit : « Ceux qui les premiers établirent la comédie sur lo territoire athénien (je veux parler de Susarion), ceux-là introduisaient leurs personnages au gré de leur fantaisie et toutes leurs in- ventions n'étaient que bouffonneries. Cratinos survint, et tout d'abord il mit fin au caprice en assignant à la co- médie trois acteurs; en outre, au plaisir qu'elle procurait déjà, il sut joindre le profit, en censurant les hommes malhonnêtes et en les flagellant au nom de tous avec le fouet de la comédie. Toutefois, lui aussi, il se Ressentait encore de la manière ancienne et même du caprice pri-

l.Fragm. 186 Kock. 2. Suidas, KpaTtvoç.

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