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456 CHAPITRE XI.— COMÉDIE ANCIENNE

II

Issue (le fêtes rustiques, et de fêtes en l'honneur du vin, la comédie athénienne nous apparaît d'abord avec un caractère de grossièreté poi)ulaire, dont elle mettra près d'un siècle à se débarrasser. En fait de bienséan- ces, elle n'en connaît aucune; elle déborde de sensua- lité. Les gros mots, les propos orduriers lui sont ordi- naires. Ce serait trop peu que de parler ici de gaillardise ou d'humeur grivoise; elle est obscène dans toute la force du terme, et elle l'est avec délectation. Son excuse, c'est l'ivresse. Il n'y a pas pour elle de convenances dans les actes, parce qu'il n'y a pas de réalité dans ses concep- tions. A beaucoup d'égards, elle ressemble à un rêve in- sensé et saugrenu, au rêve d'un homme qui aurait trop bu et qui parlerait dans un demi-sommeil. Son imagina- tion va par saillies, tantôt poussée par les plus bas ins- tincts et réalisant en images ou en actions tout ce qu'il y a de plus grossier, tantôt prenant l'essor follement, vi- vant avec les oiseaux etdans les nuages, créant des êtres fantastiques et leur faisant faire mille choses bouffonnes. Elle serait intolérable, si elle était dans son bon sens. Ce qui la sauve, c'est qu'elle se tient en pleine extrava- gance et nous y transporte avec elle.

L'ivresse attique est toujours l'ivresse, mais pourtant elle est attique. La partie animale de l'humanité s'y laisse voir comme dans toute autre, mais avec quelques carac- tères distinclifs. Elle a certains traits en plus, d'autres en moins. Moins de lourdeur et d'affaissement moral, moins de violence ; elle n'écrase pas l'homme, elle n'en fait pas une brute déchaînée et stupide ; moins de ré- flexion aussi, et par suite nulle tristesse ; car elle n'est pas le demi-oubli ensommeillé des maux quotidiens, qui craint Je réveil ; elle est au contraire une exaltation joyeuse de la bonne nature, un essor de vitalité plus in-

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