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SA LANGUE 347

communes par des mots qui sont des trouvailles, elle a, dans le simple énoncé des idées, une netteté incisive qui détache chaque chose *. Les transitions sont brèves, les tournures variées et simples; la phrase n'est jamais as- sujettie à une régularité monotone. Généralement courte, sans l'être trop, elle a de la gravité quand il faut afGr- mer, de la légèreté dans les insinuations, de la vivacité quand elle se fait interrogative et pressante. Çà et là des incises de deux ou trois mots, jetées comme en passant, lui donnent plus de vie et de mouvement : une idée ac- cessoire, un reproche, un souvenir, un regret, surgis- sent soudain et se mêlent à la pensée principale sans rinterrompre. Sous ce naturel, les artifices delà rhétori- que contemporaine ne sont pas impossibles à découvrir. Quelquefois même, ils apparaissent trop; mais en géné- ral, Euripide s'en sert avec autant de discrétion que d'ai- sance : un rapprochement de mots fait valoir un argu- ment, une antithèse éclaire vivement une idée, une construction hardie et insolite appelle l'attention sur une image ou sur une expression. Ce qu'on peut reprocher à cette langue poétique, nous l'avons dit, c'est de ne pas se colorer assez fortement des sentiments propres aux per- sonnages. Et pourtant il serait injuste de ne pas recon- naître qu'elle tient compte tout au moins des mœurs, si- non des caractères. Les discours d'Étéocle et de Polynice dans les Phéniciennes peuvent être cités ici en exemple^ : le premier a un ton d'audace, de fierté intraitable, de brusquerie même et de défi; le second, comme il le dit

1. Médée, 541. Jason dit :

"ETreiTa o-foçpcûv, elta (to\ [li'^oLZ çlXoç Ka\ izccKji TOtç êpLoïdiv.

2. Phéniciennes, 469 et suiv.

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