336 CHAPITRE VII. — EURIPIDE
VII
On ne peut dire d'Euripide, comme d'Eschyle et de Sophocle, qu'il y ait eu en lui un poète lyrique égal au poète tragique. L'infériorité de ses qualités lyriques est évidente. Toutefois, là aussi, sa personnalité se révèle. Il ne faut donc ni s'étendre trop longuement sur cette par- tie de son art, ni la passer sous silence K On sait avec quelle malveillance ingénieuse et clairvoyante Aristo- phane, dans une scène de ses Grenouilles, s'est moqué du lyrisme d'Euripide -. Quelle que soit la valeur de sa critique, il est clair qu'il serait souverainement injuste de la prendre pour guide dans cette étude.
C'était la force même des choses qui tendait à rejeter hors de la tragédie l'élément lyrique, à mesure que l'é- lément dramatique y devenait plus complexe et plus va- rié. Chez Sophocle, cette tendance se dissimule; chez Eu- ripide elle apparaît clairement. Los chants de ses chœurs sont très souvent do simples épisodes. Ils ne sortent pres- que jamais du fond même de l'action; s'ils s'y rattachent, c'est par un lien léger, par un incident, par un prétexte. Comment aurait-il pu en cire autrement dans une tragédie d'une structure aussi incertaine ? L'unité fondamentale manquait le plus souvent à l'action elle-même. Entre ces scènes dont une combinaison du hasard formait la liaison, les parties chantées ne pouvaient être que de jolis caprices de la muse lyrique, mêlés çà et là à ceux de la muse dramatique. Il n'y avait plus qu'un fil à rompre, un fil ténu et bien fragile, pour rendre à ces morceaux inter- calés leur indépendance et en faire de simples intermèdes musicaux comme les embolima d'Agathon.
A ces chœurs d'Euripide, il ne faut demander en gé-
1. J. H. H. Schmidt, Die Monodien und Wechselgesânge d, attischen TragÔdie, Leipzig, 1871.
2. Aristoph., Grenouilles, 1301 et suiv.
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