320 CHAPITRE VII. — EURIPIDE
rréalour d'Euripide que de chercher dans son théâ- tre des caractères à proprement parler. Les per- sonnages qu'il met en scène ont des instincts et des passions, ils souffrent, ils aiment ou haïssent, ils sont donc très vivants et très intéressants, mais hien peu d'outre ei^ii'nour frappent par des traits individuels fortement accusés. Cette profondeur de con- science qui distinguait ceux de Sophocle leur manque absolument ; ils ne savent pas, comme eux, amasser autour d'une idée, issue de leur nature même, des motifs marqués à leur empreinte personnelle. Le plus souvent ils obéissent à des impulsions ; et alors même qu'une ha- bitude morale les domine et les distingue, — ce qui a lieu par exemple pour Hippolyte et pour Ion, — cela n*est en général ni assez réfléchi ni assez combattu pour faire apparaître un véritable caractère. Ce n'eu est pas un, — sur la scène tragique du moins, — que d'être jeune, fier, ingénu, et un peu rêveur ou mystique. Lorsqu'on a étudié chez Euripide la conduite de l'action, c'est-à-dire l'art de faire naître les situations et d'en tirer parti, ce qui mérite encore d'être considéré, ce sont sur- tout les souffrances, les instincts et les sentiments.
A cet égard, si Euripide est novateur, c'est par un cer- tain réalisme hardi, qui a parfois scandalisé au premier abord ses contemporains, mais qui ensuite les a émus et charmés. On a vu plus haut comment Sophocle le ju- geait en se comparant à lui : Euripide, d'après le témoi- gnage de son rival, représentait les hommes, tels qu'ils sont. C'est là une observation très étendue et très com- plexe, qu'il faut analyser pour la bien comprendre.
La souffrance ou l'infirmité physique ne tient pas seule- ment plus de place dans l'ensemble du théâtre d'Euri- pide que dans celui de Sophocle, mais en outre elle y parle bien plus vivement aux sens. Nous avons affaire à des âmes bien moins fortes, et par suite la part du
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