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VARIÉTÉ INTIME DE SES DRAMES 313

dans les flammes, la malheureuse Hécube est emmenée à son tour pour aller servir Ulysse. C'est là, comme on le voit, une série continue de scènes, ce n'est pas une tragédie. Le poète a pris dans la légende une suite d'é- vénements douloureux, et tout son travail de composi- tion s'est à peu près réduit à les resserrer dans un court espace de temps, à les rassembler dans un même lieu et autour d'un même personnage, et à ménager, en les retraçant, une certaine gradation d'effets. De liaison intime il n'y en a point. Et pourlaat, si la tragédie n'est pas faite, la plupart des scènes sont admirables. C'est là justement ce qui révèle la tendance d'Euripide et sa manière de procéder. Le sujet qu'il a choisi n'existait pas en tant que sujet tragique ; cela ne Ta pas arrêté ; il a vu des scènes pathétiques à faire, et il les a faites. Quant à l'unité intime et profonde, qui est pour d'autres la condition même du drame, il ne s'en est pas soucié. Il est vrai que, même dans son théâtre, la pièce en question fait exception. Mais, tout isolée qu'elle est, elle nous révèle une manière de faire qui est caractéristique et que nous retrouvons, plus ou moins dissimulée, dans presque toutes ses autres tragédies subsistantes. Les mieux liées abondent en scènes épisodiques. Jamais, chez Euripide, la conception générale du sujet n'est assez forte pour créer d'elle-même tous les éléments du drame : à côté de ceux qui sortent du fond des choses, nous sommes toujours sûrs d'en rencontrer d'autres qui viennent du dehors. Et ce n'est pas encore là ce qu'il y a de plus frappant. Mais, dans les parties mêmes qui sont vraiment du sujet, il est aisé de voir que les inventions ne naissent guère d'une étude très réfléchie de la situa- tion morale, mais qu'elles se produisent avec une sorte de spontanéité passablement capricieuse. Les scènes que le poète crée ne sont pas celles qui résultent le plus natu- rellement les unes des autres, ni qui montrent le mieux

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