nymphes immortelles ? Est-ce Pan, le divin coureur des montagnes, qui l’avait aimée ? Ou bien a-t-elle dormi dans les bras de Loxias ? car les régions sauvages lui sont toutes chères. Et peut-être est-ce le roi du Cyllène, peut-être est-ce le divin Bacchios, habitant des hautes cimes, qui t’a reçu pour t’élever d’une de ces nymphes de l’Hélicon, avec lesquelles il se plaît à jouer[1]. »
Le pathétique, terreur, attendrissement ou pitié, ne manque pas non plus au lyrisme de Sophocle ; et c’est surtout dans les dialogues chantés qu’il éclate. Comme les chœurs, ces dialogues sont plus restreints en étendue chez lui que chez Eschyle ; ils sont en même temps d’une structure plus simple. Les artifices de composition conviennent peu à des situations qui serrent le cœur. La sincérité délicate de l’art de Sophocle devait viser en pareil cas à laisser le plus possible au sentiment sa forme naturelle et naïve, en se contentant de l’idéaliser par le rythme et par la mélodie. Son chef-d’œuvre en ce genre est peut-être le dialogue d’Œdipe et du chœur, lorsque le malheureux, après s’être crevé les yeux dans un transport de rage, sort de son palais, le visage ensanglanté, cherchant sa route, épouvanté des ténèbres qui l’environnent et de l’espace vide où se perd sa voix. Toute la partie lyrique de cette scène se réduit à deux couples de strophes précédées d’une sorte d’introduction anapestique, où le chœur, qui aperçoit Œdipe encore caché au public, exprime son effroi. Chaque strophe se partage entre Œdipe et le chœur, de façon à faire ressortir, par l’opposition et le rapprochement des rythmes, la souffrance d’une part et la compassion de l’autre. Cet artifice élémentaire est le seul dont Sophocle ait voulu se servir. Pour traduire l’horreur de la situation, le lyrisme du grand poète s’est fait aussi simple que possible. Le chant d’Œdipe n’est qu’un long cri de souffrance, une
- ↑ Œdipe roi, 1086.