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dre supérieur. Chez lui, il y a vraiment un conflit intime, tel qu’on n’en trouve chez aucun des protagonistes. Sophocle aurait craint de diminuer ceux-ci, s’il les eût montrés en contradiction avec eux-mêmes. Il n’a pas le même scrupule avec ce personnage de second plan. Néoptolème hésite une première fois, avant de consentir à tromper Philoctète ; et quand il l’a trompé, quand il tient le succès, il hésite de nouveau, sa conscience se trouble, et volontairement il défait lui-même ce qu’il a fait. Ce n’est pas tout : à la fin de la pièce, un nouveau scrupule, plus délicat encore, change à deux reprises sa volonté. Non seulement, il ne veut pas emmener Philoctète à Troie à l’aide d’un mensonge, mais il lui rend ses armes ; et en dernier lieu, si Héraclès n’intervenait pas, il ferait plus encore, il tiendrait l’engagement qu’il avait pris par feinte et il reconduirait le malheureux dans son pays. Il y a là une étude morale pleine de délicatesse, celle d’une nature jeune et candide, non pas faible, mais généreuse et sincère, qui se fait aimer par son ingénuité.

Il n’est pas jusqu’aux tritagonistes auxquels il n’ait attribué souvent des rôles pleins d’intérêt. Chez lui, ces personnages quelque peu convenus, le tyran, le messager, le garde, le devin, prennent, chaque fois qu’ils paraissent, une personnalité vraiment dramatique. Une seule scène lui suffit pour nous les faire voir avec leurs traits distinctifs. Tirésias, dans Antigone et dans Œdipe roi, Ismène, Créon, Polynice dans Œdipe à Colone, le garde dans Antigone sont vraiment des êtres vivants. Il n’a fallu à Sophocle que quelques vers pour graver leur physionomie dans notre mémoire[1].

On comprend aisément qu’un poète, si habile déjà à peindre la variété naturelle des sentiments se soit plu à mettre fréquemment sur la scène des rôles de femmes.

  1. Vie anonyme : Οἶδε δὲ καιρὸν συμμερτῆσαι… ὥστ ' ἐκ μικροῦ ἡμιστιχίου ἢ λέξεως μιᾶς ὅλον ἡθοποιεῖν πρόσωπον.