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SA LANGUE 221

Mêmes observations sur le développement et la liaison des idées. L'accumulation est la forme naturelle de la phrase d'Eschyle. L'image chez lui projette l'image, la pensée rayonne et se réfléchit dans la pensée. Ses allian- ces de mots, ses appositions inattendues ne sont que l'ef- fet de cette fécondité. Il aime, pour ainsi dire, l'énumé- ration dans le détail des idées comme il l'aime dans leur groupement général. Mais, chose remarquable, il sait al- lier ce besoin d'expansion avec la concision la plus sai- sissante : les choses s'assemblent dans sa phrase en groupes compacts, qui se complètent ou s'opposent entre eux. C'est qu'il y a en lui, dans le poète dithyrambique, un raisonneur, un attique à l'esprit vif et pénétrant, sai- sissant les rapports intimes des idées et les dégageant avec force. Le lyrique se précipite, crée les formes, les jette à profusion ; le raisonneur les analyse et les éclaire. La plupart de ses dialogues stichomythiques sont bien re- marquables à cet égard; le vers y répond au vers avec une symétrie qui n'est pas exempte de raideur; mais cette symétrie même crée des ressemblances et des contrastes qui éclatent à l'improvisle ; et, pour les accuser davan- tage, la pensée se condense, tantôt avec force, tantôt avec adresse.

Ce qui manque encore à cette langue au point de vue dialectique, c'est la souplesse. Elle ne sait pas se détendre à volonté ; elle met trop de choses ensemble et des cho- ses trop discordantes ; elle soupçonne à peine l'art de coordonner les aspects successifs des idées et d'y répartir également la lumière K Mais il faut bien le dire : ce qui lui faisait défaut ne pouvait être acquis qu'en perdant en partie ce qui lui donne son grand caractère. La langue de Sophocle aura justement cette aisance, cette perfection

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